Leadership et conduite de projet en mode chef d’orchestre

Publié le 5 avr. 2014
Lors du concert du Nouvel An 2014, Daniel Barenboïm fait une démonstration de conduite de projet lumineuse, immédiate, généreuse. A la portée de tous ? En tout cas une inspiration pour chacun d’entre nous avec nos équipes !

par Guy Perier, Chef d’orchestre, Team building § Leadership par la musique

Une impulsion forte au début du concert : tout se joue en quelques minutes !


  • Premier enjeu : comment lancer le projet ? Débuter un concert n’est jamais aisé. Surtout devant un milliard de téléspectateurs ! D’autant que les concerts du Nouvel An sont des exercices particuliers : l’Orchestre Philharmonique de Vienne pourrait jouer la plupart des pièces sans chef, ses musiciens virtuoses sont réputés pour « avoir horreur d’être dirigés ». De fait beaucoup de ces concerts tournent à la démonstration grand spectacle. Ce qui fait le prix des éditions vintage. Barenboïm 2014 se classe d’emblée parmi les grands crus.

  • Dans le Quadrille La Belle Hélène (02’25 sur la vidéo jointe) qui ouvre le concert, nous sentons que le démarrage clair et assuré crée de la confiance avec une qualité de jeu immédiate. Les premières sollicitations de Daniel Barenboïm sont dans la recherche de finesse et de l’écoute entre musiciens. (02’36 / 04’26 / 06’16). Puis il leur demande de se donner à fond, avec un engagement personnel extrême, en les prenant presque à contre-pied, dès la fin de cette pièce. (06’58). Exercice recommencé et amplifié dès le second morceau Friedenspalm : sur le métier, 100 fois remettre son ouvrage.

Calme, concentration, inspiration


  • Extraordinaires, les 22 secondes de silence qui précèdent la Marche Égyptienne. (19’20). Le chef d'orchestre doit entretenir un focus, placer les musiciens dans un état de concentration à la hauteur de l'événement, montrer calmement une voie inspirante. Quelle leçon de constater que ces basiques du métier sont toujours la clé de départ, même auprès d’un orchestre aussi sûr de lui que les Wiener Philharmoniker.


Oser jouer pour tenir la durée !


  • Deuxième enjeu : comment entretenir la motivation de tous pour maintenir l’excellence d’interprétation ? Dans l’Ouverture du Waldmeister au milieu du concert (1’02’00 à 1’12’45), soyez attentifs au plaisir que suscitent chez les musiciens de multiples invitations à aller plus loin, à faire de la musique ensemble. Mentions spéciales au flûtiste solo, au violoniste en gros-plan, aux contrebassistes ! Au cours de cette conduite de projet que représente un concert, Daniel Barenboïm sait jouer d’une qualité essentielle pour entretenir la flamme tout au long de ces deux heures : la versatilité. Etre toujours actif mais de façons différentes, changer constamment de registre pour solliciter les musiciens. Les mettre en face de leur responsabilité : jouer, mettre au grand jour leurs talents et leurs savoir-faire au service du projet commun. La réussite d’un chef d'orchestre est aussi de savoir exprimer : «J'ai besoin de votre expérience, de vos compétences, de votre inspiration ».

  • Remarquez aussi la répétition des invitations à la finesse, à la détente. A s’écouter. Le rôle du chef d'orchestre est certes de conduire un discours solide, mais aussi de construire une grande arche, afin que les musiciens y trouvent un espace d'assurance comme de liberté. Ils ont besoin d’être complètement détendus, de « laisser jouer » comme si tout se faisait tout seul, presque sans pression, pour donner le meilleur d’eux-mêmes. Car il arrive un moment où se focaliser sur la difficulté technique ou l’enjeu de la situation devient contre-productif. C’est au chef d’orchestre d’absorber la pression. Quelle présence, quel séduction, quel naturel dans la direction de Daniel Barenboïm ! Et pourtant dans ces moments, on en ressent soi-même de la pression.

L’expression de la reconnaissance


Puis laissez-vous porter jusqu’au clou du concert, Le Beau Danube Bleu, en profitant des vœux traditionnels de l’Orchestre Philharmonique de Vienne (2’14’15)

  • Dernier enjeu : comment conclure le projet dans la reconnaissance commune de sa réussite ? Daniel Barenboïm fait un usage incroyable du bis : La Marche de Radetzky (2’26’09). Les musiciens n’ont pas besoin d’être dirigés pour jouer cette musique qu’ils ont dans le sang ? Il les prend au mot et les laisse jouer seuls une fois le départ donné. Pour saluer individuellement chacun des musiciens sur scène. Surprise initiale des instrumentistes habitués « à faire leur métier » et voir le chef concentrer sur lui la ferveur du public. Puis sourires d’amusement, un peu de séduction, du bonheur, de la fierté, un peu de folie, complicité entre pairs, gratitude réciproque. Sentiment d’avoir transcendé ce succès annoncé – « le concert de Nouvel An en direct de Vienne » - en une aventure collective exceptionnelle à laquelle chacun a pris activement sa part.

  • Tout ceci n’est-il pas que du spectacle ? Non, car c’est sincère et mérité. Des musiciens tels que ceux de l’Orchestre Philharmonique de Vienne en ont-ils vraiment besoin ? Oui autant que tout membre d’équipe quand c’est sincère et mérité. La reconnaissance est aussi un objectif dans la conduite de projet. Certes tout responsable a envie et besoin d’entendre mercis et bravos. Mais entre maîtrise de soi et générosité, quelle grandeur chez cet artiste au fait de sa carrière et mondialement reconnu, d’avoir toujours conscience de ses responsabilités comme de garder le sens du projet collectif. Quel rayonnement humain de savoir mettre en évidence, au-delà des coutumes, ce qui s’est passé d’unique au sein de ce projet d'équipe.

Belle écoute ! La télévision autrichienne nous offre en prime à l’entracte un reportage savoureux (37'50 à 1'00'24) : répétitions de l’orchestre et des ballets, essayages des costumes des danseurs chez Vivianne Westwood, confection des bouquets. Le Jour de l’An à Vienne n’est jamais trop sucré !

Article publié sur le blog www.team-building.com

Guy Perier

Chef d'orchestre § Orchestrateur de Leadership




Sur des enjeux de leadership ou de cohésion d’équipes, notamment multiculturelles, j’accompagne dirigeants et managers dans un double objectif : des performances individuelles et collectives plus généreuses.

Guy Perier

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